Aileen aurait tendance à se considérer comme une petite femme, le genre qu'on dépasse facilement de plusieurs têtes en Écosse. En revanche, au Japon où les femmes ont tendance à faire quelques centimètres de moins que ses grandes asperges de cousine, la sage-femme se fond un peu plus facilement dans la masse. Si on excepte la couronne de feu qui attire vite les regards, au milieu d'une marée de cheveux noirs.

Elle attache souvent cette longue chevelure flamboyante, une simple queue de cheval ou des pinces pour ses loisirs, mais des coiffures élaborées et surtout résistantes pour ses journées de travail. Il faut que cela tienne plusieurs heures, les chignons sont donc serrés et le visage encadré par cette masse disciplinée. Aileen s'est entraînée à faire des couronnes ou des tresses variées, mais elle s'est rendue compte que ses cheveux, ayant la finesse de ceux de son aïeule nippone, ne sont pas toujours adaptés aux coiffures traditionnelles européennes.

Les autres caractéristiques héritées de son arrière-grand-mère sont tout aussi subtiles. Sa famille écossaise a calibré la majorité de son apparence, ce qui va de soi avec son arbre généalogique. Néanmoins, sa peau de lait peut venir aussi bien d'eux que du Japon après tout. Aileen s'est aperçue qu'elle a également moins de tâches de rousseur qu'on ne l'aurait cru, à peine quelques gouttes sur les pommettes comme si un pinceau l'avait éclaboussé sur les bords. L'ensemble de ses traits est définitivement fin, bien loin des rondeurs d'un faciès britannique. En revanche, ses sourcils fournis et roux, sa bouche pulpeuse viennent bien de l'Europe. Difficile également de trouver un tel regard, à mi-chemin entre le vert des pâturages et le gris de l'océan au petit matin, chez une japonaise.

Cette combinaison unique de traits asiatiques et européens concourent à faire de ce visage de porcelaine, du corps menu, une créature proche d'une poupée. Aileen en a joué quand il a fallu trouver un travail de serveuse, elle prend souvent plaisir à choisir des vêtements ajustés qui la mettent en valeur, mais elle s'est aussi rendu compte que cela nuit parfois à sa crédibilité. On lui donne facilement quelques années de moins, et bien peu écoutent la jeunesse comme les aînés. C'est sans doute la raison pour laquelle ses coiffures sont aussi strictes au travail, et pourquoi elle prend tant soin que son uniforme soit toujours impeccable : elle veut être prise au sérieux. Même avec une bouille adorable.
       

Un chou à la crème. C'est ainsi que ses proches définissent généralement la jeune femme.
La chose se comprend, avec son physique de poupée et ses grands yeux innocents. Mais surtout, c'est sa grande compassion et son souci des autres qui lui donnent ce qualificatif. Aileen n'a pas choisi la voie médicale par hasard, et il suffit de passer quelques minutes avec elle pour se rendre compte des petites attentions qu'elle peut avoir. Sans cesse occupée du bien-être d'autrui, il lui arrivait régulièrement d'organiser des dîners où elle se pliait en quatre pour ses hôtes avec le sourire.
Aileen ne l'aurait jamais avoué en public, mais ces soirées étaient aussi le prétexte idéal pour ranger son appartement... Combien de fois a-t-elle cherché une chaussure jetée négligemment la veille au soir dans la pièce, ou son trousseau de clés avant de partir le matin ?

De manière générale, la jeune femme sourit et même rit beaucoup. Sa vie lui plaît jusque là, elle a conscience de sa chance après l'enfance compliquée qu'elle a vécu, et tout semble la ravir. Il n'est pas rare qu'on l'entende siffloter en se promenant ou en allant au travail ; à l'intérieur de son appartement, ce sera des chansons plus ou moins justes à la moindre occasion.
Aileen aime son travail, entretenir son logis, essayer de nouvelles activités créatives, rencontrer des inconnus, danser, faire du sport. Absolument tout l'intéresse, et ses week-ends sont souvent occupés à visiter un musée ou un monument historique, quand elle n'a pas trouvé un festival où une excursion quelconque. La jeune femme s'est aussi découvert une passion pour les randonnées en pleine nature, les payasages du Japon lui plaisant tout particulièrement tant ils changent de ceux de Grande-Bretagne.

Elle savoure ses moments de liberté, parce qu'elle n'en a pas tant que cela avec un travail pareil. Horaires décalés et gardes de plusieurs heures s'enchaînent au point qu'elle voit difficilement les semaines s'écouler. Aileen a d'ailleurs eu un peu de mal à trouver son appartement à MS Town entre toutes ses contraintes, et s'est contentée du premier qui correspondait à ses critères. Elle le rendra mignon avec la décoration ! Quand son service lui laissera le temps d'aller faire du shopping.
Ce n'est pas que la sage-femme se plaigne de son travail, elle l'adore. Surtout après en avoir été privée quelques années au Japon, où aucune clinique n'a voulu l'engager. Avec un peu plus de mordant elle aurait trouvé sa situation révoltante, mais elle est seulement heureuse de reprendre l'uniforme blanc. Elle peut de nouveau voir des vies naître ! Qu'y a-t-il de plus beau que ce spectacle ? Sa spécialité était déjà toute choisie avant le début de ses études, et c'était uniquement pour cette raison. Bien sûr Aileen est la plus jeune de son service, une situation à laquelle elle est habituée pour le moment. Ce n'est pas pour cela qu'elle n'est pas compétente, et la sage-femme ne cesse de le prouver en redoublant d'attention dans ses tâches. Ses dossiers sont appliqués, les gestes propres et nets, tout l'inverse de ses affaires chez elle. Le paradoxe la fait souvent rire, une chose de plus. Avec quelques gardes échangées pour arranger des collègues, son implication qui saute aux yeux, Aileen pense s'être fait sa place et remarque qu'on la voit avec de plus en plus de respect au fil du temps.

Sa nouvelle vie lui semble presque parfaite, à l'exception de l'esclavage qui reste la seule ombre au tableau. Cette décision va à l'encontre de tout ce qu'on lui a enseigné, tout ce qu'elle croit profondément sur la gentillesse dont on doit faire preuve les uns envers les autres. Les hybrides qu'elle croise lui font pitié, les esclaves en colère n'exccitent que sa compassion. Plus que tout, elle ne comprend pas. Qu'on fasse naître des personnes à ce point modifiées, ou pire qu'on les opère pour cela, quel intérêt de tenter une transformation inutile qui n'a qu'un but esthétique ? Et quelle beauté d'ailleurs, pour quel but, aux yeux de qui ? Rien de tout cela n'a de sens aux yeux d'une professionnelle du corps médical. Elle exerce sa profession pour soigner, et tous ses collègues ont prêté le même serment normalement.
La jeune femme a entendu parler de la rébellion aussi, bien sûr. Difficile de passer à côté. Seulement, elle qui ne croit pas à la violence est pour le moment effrayée par ces méthodes également. Aileen n'est pas du genre à faire la révolution, elle croit plutôt aux petites actions du quotidien qui peuvent changer les choses chacun à son échelle. Elle veut bien aider des esclaves, même si sa seule idée pour y arriver est d'en acheter, uniquement pour les sauver évidemment. Ils lui font trop de peine, eux qui ont besoin qu'on en prenne soin...
       

- Elle est née et a grandi en Écosse, tout comme ses parents, ses grand-parents et son arrière-grand-père… Son arrière-grand-mère par contre, était d'origine japonaise. Aileen ne l'a pas connue de son vivant, mais ses grand-parents lui parlaient souvent d'elle lorsque la rouquine venait leur rendre visite, étant petite. Ils lui disaient toujours qu'elle avait les mêmes traits de visage que son ancêtre nipponne et lui contaient comment ses arrière-grands-parents s'étaient rencontrés et aimés, en ces temps troublés de la Seconde Guerre Mondiale…
- Enfance assez mouvementée : après la mort de ses grand-parents, son père se mit à boire. Il n'était pas mauvais mais plutôt sanguin et lorsqu'il buvait trop, il passait ses humeurs en battant sa femme, faisant peur à sa fille. Sa mère, au caractère doux et soumis, ne se révoltait pas contre son mari mais faisait de son mieux pour que son enfant soit épargnée.
- À l'adolescence, Aileen eut une phase de rébellion où elle finit par prendre elle-même la défense de sa mère et dire ses quatre vérités à son père, lui tenant tête avec tellement d'énergie, d'amour et de conviction qu'il en fut ébranlé d'être ainsi mis en accusation par ce petit bout de jeune femme qu'il prenait encore pour une gamine… Prenant alors réellement conscience de ses tords, son père tenta de se racheter une conduite lors des années qui suivirent. Il buvait moins, ne battait plus sa femme, mais il lui arrivait encore parfois d'être brutal en reportant ses éclats sur le mobilier ou en déclenchant des bagarres à la sortie du bar.
- Malgré cette violence familiale occasionnelle, Aileen prit son existence en main et se donna corps et âme dans ses études pour devenir sage-femme. Un métier qui lui plaisait car pour elle rien n'était plus beau qu'un enfant venant au monde !
- Rêvant d'ailleurs et de nouveautés, elle quitta l'Écosse à la fin de ses études (22 ans) pour aller s'installer à Hokkaidō, une île au nord du Japon d'où son arrière-grand-mère avait été originaire. Mais une fois sur place, sa recherche d'emploi en milieu hospitalier fut vaine : le fait qu'elle soit une étrangère faisait obstacle à son intégration.
- Elle fit alors quelques petits jobs ici et là (serveuse, vendeuse,…) tout en apprenant la langue, jusqu'à ce qu'elle réponde à une offre d'emploi publiée sur internet par la Clinique Kokorogake, à MS-Town. Pleine d'enthousiasme, Aileen déménagea aussitôt pour venir s'installer ici, ravie que la population hétéroclite de cette ville soit moins réticente à accueillir une étrangère comme elle !
- Elle s'est donc payé un petit appartement assez simple, vivant sans grand luxe mais confortablement et a pris son poste de sage-femme à la Clinique.
- La découverte de l'esclavage, des hybridations et de la Rébellion, a tout de même été un choc pour elle à son arrivée ici. Aileen aimerait pouvoir agir et secourir ceux qui souffrent le plus, améliorer au moins leurs conditions de vie… mais elle n'a pas encore trouvé à qui s'adresser et pour aider à son échelle, elle pense sérieusement à acheter un ou plusieurs esclaves/hybrides pour les sortir de cet enfer et leur offrir une meilleure vie…